La guerre de Cent Ans

Introduction

La guerre de Cent Ans est l’un des plus célèbres conflits du Moyen Âge. Elle oppose les rois de France de la dynastie des Valois aux rois d’Angleterre pour la possession du royaume de France. Le conflit peut se diviser en deux périodes au cours desquelles le trône de France est sur le point de basculer sous la tutelle anglaise, avant d’observer une reconquête quasi-totale. A chacune de ces périodes, une figure emblématique, un héros, incarne le sursaut français :

  • La première période du conflit voit l’Angleterre victorieuse à Crécy et à Poitiers où le roi de France est capturé. Le sursaut français s’effectue grâce au connétable Bertrand du Guesclin et à son roi Charles V.
  • La seconde période du conflit voit naître une guerre civile : les Armagnacs contre les Bourguignons. Cette lutte favorise l’Angleterre, victorieuse à Azincourt. Le trône est alors promis au roi d’Angleterre. C’est Jeanne d’Arc qui déclenchera le réveil des forces françaises et leur course vers la victoire.

L’origine de la Guerre

Un siècle de lutte entre Français et Anglais

La longue période de lutte entre la France et l’Angleterre, qui est connue sous le nom de guerre de Cent Ans, ne fut pas exactement une guerre, et dura bien plus de cent ans (116 ans : de 1337 à 1453). Cinq rois de France et autant de souverains anglais se trouvèrent successivement engagés dans ce duel. Trois générations entières vécurent dans un perpétuel climat de troubles et de combats. La guerre de Cent Ans se décompose en une série de batailles, séparés par des périodes de paix relative, ou de trêves. Et quand cessaient les combats, les pillages, la famine ou la peste achevaient de ruiner villes et campagnes. Si l’Angleterre ne fut pas épargnée par cette guerre, la France, sur le sol de laquelle se déroulèrent les batailles, fut plus atteinte que sa rivale. Elle finit cependant par avoir le dessus. Mais les deux belligérants sortirent profondément changés de ce conflit séculaire.

Les souverains protagonistes
France Angleterre
  • Edouard III (Plantagenêt)
  • Richard II (Plantagenêt)
  • Henri IV (Lancastre)
  • Henri V (Lancastre)
  • Henri VI (Lancastre)

Les trois prétendants

A la mort de Charles IV le Bel, dernier des Capétiens directs, trois prétendants ont des droits équivalents à la couronne :

  • Philippe, comte de Valois : Fils de Charles de Valois, frère cadet de Philippe le Bel. Philippe constitue l’un des chef de file de la féodalité française. Son père aura été très influent au cours des règnes de ses neveux. A la mort de Charles IV, il devient le Régent du royaume, ce qui lui donne un sérieux avantage pour la suite.
  • Edouard III d’Angleterre : Fils d’Edouard II et d’Isabelle de France, Edouard III est donc le petit-fils de Philippe le Bel par sa mère. Mais il est difficile de mettre un noble anglais sur le trône de France, et pourtant à cette époque, la cour anglaise parle le français, héritage de la conquête normande de Guillaume le Conquérant.
  • Philippe d’Evreux : Petit-fils de Philippe III, il a épousé sa cousine Jeanne de Navarre (fille de Louis X). Il est donc devenu roi de Navarre, et revendique la couronne selon les droits de sa femme. Philippe d’Evreux est le père de Charles le Mauvais.
Conflit de succession au trône de France

Philippe VI : roi de France

Ce sont les pairs de France qui élisent Philippe de Valois roi de France. Celui-ci a l’avantage d’être ni Anglais ni Navarrais. Pour écarter les deux autres prétendants, on a invoqué la loi salique, cette vieille loi franque qui interdit la transmission de la couronne par les femmes. On a exhibé un vieux document pour le prouver, mais la légitimité du nouveau roi est fragile. Si Edouard III accepte plutôt bien son éviction, il n’en est pas de même pour le roi de Navarre. Le fils de Jeanne de Navarre, Charles le Mauvais n’acceptera jamais son expulsion et tentera par tous les moyens de nuire aux Valois. Dès son accession au trône, Philippe tente donc d’affirmer son autorité, il s’empresse d’aller écraser l’armée flamande, insurgée contre leur comte Louis de Nevers, sur le mont Cassel en 1328. Philippe a ensuite rappelé au roi d’Angleterre qu’il lui devait l’hommage pour ses possessions en Guyenne. En effet, le roi d’Angleterre possède toujours une partie de l’Aquitaine, et il est donc vassal direct du roi de France. C’est chose faite à la cathédrale d’Amiens en 1329.

Edouard III rendant hommage à Philippe VI

(Bibliothèque Nationale de France)

(Bibliothèque Nationale de France)

La vraie cause de l’antagonisme

L’hommage prêté par le souverain anglais au roi de France montre bien que le conflit de succession n’est qu’un prétexte pour la guerre. Edouard III souhaite juste conserver ses possessions en Aquitaine. Et lorsque Philippe voulut mettre la main sur le duché de Guyenne, dernier fief du roi d’Angleterre en France, Edouard III déclencha la guerre. A l’origine du conflit, il s’agissait surtout d’étendre le domaine royal, ou, pour Edouard, de maintenir ses positions. Philippe prend Bordeaux en 1337, il est bientôt appuyé par le comte de Flandre. Edouard III réagit tout de suite en mettant l’embargo sur l’exportation de la laine anglaise qui permet aux flamands de tirer leur richesse (les draps flamands sont vendus dans toute l’Europe). Bientôt, c’est une nouvelle révolte de la Flandre, les insurgés de Gand se rangent du côté du roi anglais. Puis, de Wetminster, Edouard défie publiquement Philippe. Quelques mois plus tard avec ses alliés flamands, Edouard prend publiquement le titre de roi de France. En 1339, premiers combats, Edouard ravage la campagne de Thiérache. La suite des opérations anglaises ne donne rien sur terre, mais sur mer, la flotte française de l’Écluse est écrasée. En 1340, les deux souverains signent une trêve, prolongée jusqu’en 1345.

La guerre de succession de Bretagne (1341 - 1364)

Dès 1341, un autre conflit va opposer indirectement Français et Anglais. Une guerre fait rage pour la succession au duché de Bretagne après la mort du duc Jean III. Cette guerre est aussi appelée « guerre des Deux-Jeanne » Deux clans s’affrontent :

  • Celui des partisans de Charles de Blois et de sa femme Jeanne de Penthièvre (nièce de Jean III), qui ont le soutien du roi de France Philippe VI.
  • Celui de Jean de Montfort (frère de Jean III) et de son épouse Jeanne de Flandres, qui, après avoir pris possession de la quasi-totalité du duché, s’en alla quérir l’alliance d’Edouard III.

Les événements, au début, semblaient favorables au « protégé » du roi de France lorsque Jean de Montfort est capturé après la prise de Nantes. Seulement voilà ! Son épouse, Jeanne de Flandres va organiser la résistance et, parvient à ramener des renforts d’Angleterre. Les Anglais sont victorieux à Morlaix. Le conflit s’éternise, et la population locale fait les frais des atrocités des deux camps. En 1364, au cours de la bataille d’Auray, Charles de Blois est tué. Le fils de Jean de Montfort peut désormais faire valoir ses droits sur la couronne.

Bataille d’Auray

(Bibliothèque Nationale de France)

(Bibliothèque Nationale de France)

Le marasme français

La bataille de Crécy

En 1346, les hostilités reprennent entre Français et Anglais. Edouard III débarque dans le Cotentin, il envahit la Normandie et marche sur Paris. Impressionné par l’armée que vient de lever Philippe VI, il se replie sur la Somme et campe à Crécy pour reposer ses troupes et faire le plein de vivres. Mais le roi de France le poursuit avec opiniâtreté. Ce dernier s’arrête à Abbeville où des renforts lui parviennent. Le 26 août, l’armée anglaise, fraîchement reposée, attend les Français sur les hauteurs. Edouard III a organisé ses troupes habilement afin de les tenir prêtes à riposter à l’attaque de la cavalerie française : ses archers sont placés de telle façon que chaque groupe est couvert par un autre. Derrière eux, les chariots contenant la réserve de flèches ont été disposés en arc de cercle protégeant ainsi chevaux et cavaliers. Côté français, c’est l’anarchie ! L’armée a quitté Abbeville tôt le matin ; très sûre de ses forces, elle pense venir à bout très facilement de l’ennemi et l’organisation laisse à désirer. Soudain, les Anglais sont en vue ! A cette annonce, le roi de France tente de rassembler ses troupes, en vain ; il est déjà trop tard. L’arrière-garde essayant de rejoindre l’avant-garde, le désordre est tel qu’on ne distingue même plus les bannières les unes des autres. Cependant, trois groupes se forment finalement : les arbalétriers génois, les hommes du comte d’Alençon et enfin les hommes du roi. Un violent orage éclate, rendant le terrain boueux et impraticable. Dans une telle situation, comment diable recharger les arbalètes ? Les hommes sont de plus fatigués de leur marche, rappelons qu’armes et carreaux pèsent jusqu’à 40kg. Néanmoins, les voici qui s’avancent. Ils sont reçus par de denses volées de flèches, si drues que « ce semblait neige », dira Froissart. Les hommes s’enfuient de tous côtés, gênant les soldats. Le roi est furieux. Ordre est donné aux cavaliers de tuer cette piétaille en fuite et d’attaquer ! Les chevaliers se battent bravement, certes, mais en pure perte. Le roi lui-même se jette dans la mêlée, et voit deux chevaux mourir sous lui. A la nuit tombante, tout est terminé, la victoire anglaise est aussi imprévue qu’éclatante.

Crécy en chiffres
  • Forces en présence :
    • France : 36 000 hommes dont 15 000 mercenaires génois (arbalétriers)
    • Angleterre : 12 000 hommes dont 7 000 archers
  • Pertes françaises :
    • 11 princes dont Charles, comte d’Alençon, frère du roi et Jean de Luxembourg, roi de Bohème
    • 1 250 chevaliers
    • 15 000 hommes d’armes dont 6 000 Génois
  • Flèches anglaises tirées :
    • Plus de 500 000 !
La défaite de Crécy

Crécy marque un tournant dans la stratégie de guerre : les bombardes faisaient leur apparition pour la première fois dans une bataille rangée. Pas très efficace du fait de leur portée limitée, elles effrayèrent néanmoins les troupes françaises et leurs chevaux, contribuant ainsi au désordre affligeant de l’armée française. La chevalerie entre en déclin, les chevaliers sont battus par l’infanterie.

(Bibliothèque nationale de France)

(Bibliothèque nationale de France)

La Grande Peste

En plus de la guerre, un terrible fléau, la peste, s’abattit sur la France et sur l’Europe tout entière. Venue d’Orient, plus précisément des hauts plateaux d’Iran, où elle existait à l’état endémique, elle fut propagée par un certain type de rat et se répandit comme une traînée de poudre en 1347. La raison essentielle de cette propagation fut la surpopulation des principaux pays d’Europe, ce qui, venant après de grandes disettes, accrut la vulnérabilité de la population. Les habitants des villes et les communautés religieuses, à cause de leur concentration, furent particulièrement touchés. La peste gagna l’Italie, le sud de la France, l’Espagne et atteignit en 1349 l’Allemagne, l’Europe centrale et l’Angleterre. On posa la question : qui était responsable de ce cataclysme ? Certains trouvèrent des boucs émissaires : les Juifs. Accusés de répandre volontairement la contagion, ils furent massacrés ou brûlés par milliers; des bûchers furent élevés à Strasbourg, Mayence, Spire, Worms. Le pape en vint à menacer d’excommunication ceux qui persécutaient les Juifs. D’autres virent dans la peste le châtiment de Dieu et incitèrent à expier les fautes commises. Lorsqu’elle disparut vers le milieu du siècle, elle avait emporté un tiers de la population.

La peste noire

La peste s’abattit sur la France en 1348, elle y est arrivée par les navires marchands venus d’Orient. Comme on ne connaissait pas les causes du mal, on ne soignait pas les malades et on n’ensevelissait pas les morts, ce qui favorisait la contagion.

De nouvelles défaites

Après la prise de Crécy, Edouard vient mettre le siège devant Calais. Après des mois de sièges, six bourgeois de la ville, tête et pieds nus, en chemise et la corde au cou, se rendirent devant le roi d’Angleterre afin de remettre leurs vies et la clef de la ville entre ses mains. Ils parvinrent ainsi à éviter la destruction de Calais et eurent la vie sauve grâce à l’intervention de la reine Philippa de Hainaut. C’est un succès pour l’Angleterre, une tête de pont permanente est ainsi créée, destinée à demeurer anglaise jusqu’en 1558. En 1350, Philippe VI meurt, son fils Jean le Bon lui succède. Très vite, le nouveau roi doit faire face aux intrigues de Charles le Mauvais, le roi de Navarre, celui-ci n’hésite pas à comploter des assassinats et des alliances avec l’Angleterre. Jean II le Bon finit par le capturer à Rouen, mais les partisans du roi de Navarre tiennent toujours la Normandie. Profitant de ce conflit, les Anglais lancent deux chevauchées :

  • L’une part de Bretagne sous Henri de Lancastre (futur roi d’Angleterre).
  • L’autre part de Guyenne sous le fils du roi Edouard, le prince de Galles. Surnommé le Prince Noir en raison de son armure, il mène des expéditions sanglantes dans la campagne française. Les Anglais pillent les villages et les bourgs.

La bataille de Poitiers

Face aux chevauchées du Prince Noir, Jean le Bon ne peut réagir car il manque d’argent. Il réunit les états généraux en 1356 afin de lever une armée. Pour poursuivre les Anglais efficacement, il ne garde que les cavaliers, plus rapides. Le combat se déroulera au sud de Poitiers, sur un terrain accidenté et coupé de haies, Jean II le Bon décida que le combat se ferait à pied. Croyant à une fuite des Anglais, les Français s’engagent dans un chemin bordé de haies, devenant ainsi une proie facile pour les archers anglais. Par la suite, les deux corps de batailles s’engagent dans le désordre. La bataille tourne rapidement à l’avantage du Prince Noir. Sentant la défaite s’approcher, Jean le Bon décide d’envoyer ses trois fils aîné vers Chauvigny. Seul le cadet Philippe le Hardi (futur duc de Bourgogne), 14 ans, reste au côté de son père en lui recommandant ces célèbres paroles : « Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche ! » Mais le roi est rapidement cerné, et même capturé par l’ennemi. La défaite est désastreuse, dix ans après Crécy, le royaume est plongé dans la plus grave crise de son histoire. En l’absence du roi, les états généraux de langue d’oil (états du nord) se réunissent sans attendre et décident de libérer Charles le Mauvais dans l’espoir qu’il protège le pays dans la défaite. Mais le perfide Navarrais entre en contact avec les Anglais pour s’approprier de nouveaux fiefs.

Capture de Jean II le Bon

Emeutes urbaines et jacqueries

  • Emeutes urbaines : Pendant ce temps à Paris, la bourgeoisie s’insurge contre la noblesse et le dauphin, le futur Charles V. Sous la conduite d’Étienne Marcel, prévôt des marchands (charge qui en faisait une sorte de maire de Paris), ils réclament l’abolition de certains privilèges et le contrôle des impôts. En fait, Etienne Marcel rêve de rendre sa ville autonome, à l’image de certaines villes flamandes ou italiennes. Un jour de 1358, il fait irruption dans la chambre du dauphin, faisant assassiner ses maréchaux devant lui. Le pauvre dauphin de 18 ans est infirme et incapable de porter une épée. Il est bientôt contraint de porter un chaperon aux couleurs rouge et bleu de la ville. Mais le dauphin parvient à s’échapper de façon rocambolesque, et fait bientôt le siège de Paris avec ses troupes. Alors qu’il s’apprêtait à donner les clefs de la ville à Charles le Mauvais, Etienne Marcel est assassiné. L’héritier du trône peut alors faire son entrée triomphale dans la capitale. Plus tard, il fera ériger la Bastille pour tenir en respect les turbulents Parisiens.
  • La Jacquerie : Dans les campagnes, l’exaspération due à l’impopularité de la noblesse après la défaite de Poitiers et à la misère entraînée par la guerre et la peste provoqua une explosion. Les Jacques (du surnom de Jacques Bonhomme que les maîtres donnaient à leurs serviteurs) incendièrent les châteaux et menacèrent les seigneurs. La répression, notamment dans la région de Beauvais et de Meaux, fut terrible, et des milliers de paysans furent massacrés.
Assassinat d'Étienne Marcel

Le sursaut français

Le difficile relèvement de la France

Emprisonné dans la Tour de Londres, Jean le Bon a promis à son geôlier, Édouard III, une rançon de 4 millions d’écus d’or en échange de sa libération ainsi que toutes les possessions des Plantagenêt. Mais le dauphin Charles, auréolé de sa victoire face aux bourgeois parisiens, ne l’entend pas de cette oreille. Edouard III tente alors un nouveau débarquement visant à le faire sacrer à Reims. Epuisés par de longs sièges, les Anglais sont contraints de se retirer du territoire. Le traité de Brétigny est signé en 1360, les Anglais y gagnent de nouvelles possessions en France. Le roi Jean le Bon est libéré, mais il se rend prisonnier volontaire quelques mois plus tard : son fils Louis d’Anjou qui était utilisé comme otage s’était enfui pour rejoindre son épouse. Finalement Jean II meurt en captivité en 1364. Charles V, dit le Sage, monté sur le trône, fut l’artisan du relèvement de la France. Cultivé, collectionneur de manuscrits rares et d’œuvres d’art, aimant s’entourer d’écrivains, de peintres, de musiciens, il fit reconstruire le Louvre et y fonda la bibliothèque royale. Grand travailleur, il sut s’entourer de bons ministres. Grâce à un nouvel impôt sur le sel, la gabelle, il rétablit les finances de la couronne. Tirant avec intelligence les leçons de l’échec de Poitiers, il réorganisa l’armée : finies les cavalcades épiques des barons féodaux ! Désormais, une milice permanente procédant par opérations de guérilla plutôt que par meurtriers engagements frontaux formerait l’élément de base.

La naissance du franc

Après avoir payé une partie de sa rançon, Jean le Bon sort de captivité. En 1360, il crée le franc, pour commémorer sa libération (franc = affranchi). Cette monnaie vient compléter l’écu d’or de Saint Louis et la livre tournois en argent. La pièce de 1360 représente le roi à cheval, une seconde édition en 1365 représentera le roi à pied (le « franc à pied »).

Bertrand du Guesclin, connétable de France

Bertrand du Guesclin est né près de Rennes en 1320. Mat de peau, presque noir, le bébé était paraît-il si laid que son père ne voulut le reconnaître. Bousculé, battu du fait de sa laideur, Bertrand rendit dès qu’il put coup sur coup. Un jour, l’enfant s’insurgea contre ses frères et renversa une longue table, une religieuse orientale le calma et lui prédit qu’il serait un jour le Chef des chefs et que les Lys s’inclineront devant lui. Plus tard, lors d’un tournoi où il a interdiction de participer, il défait tous ses adversaires, avant de refuser de combattre son père. Il se forgea ainsi une force de caractère et un corps d’athlète qui l’amènerait à la plus haute dignité du royaume après le roi. En effet, en 1370, Charles V remet à Bertrand du Guesclin l’épée de connétable de France (chef des armées). Jusqu’à cette date, le fier Breton était à la tête d’une bande de paysans qu’il avait entraînés lui-même à se battre selon les principes de la « guérilla » : la hache pendue au cou, il s’agissait d’harceler les Anglais, vils occupant de sa terre bretonne. Alors qu’Henri de Lancastre dirige une chevauchée en Bretagne, Bertrand s’illustre au cours de la défense de Rennes. Charles de Blois l’adoube chevalier en 1357. Dès lors, au cours du conflit de Succession de Bretagne, Du Guesclin se rangera à ses cotés face à Jean de Montfort.

Légende ou réalité

Une légende courait sur l’origine de la famille du Guesclin. Cela remonterait à Charlemagne, une flotte de nefs sarrasines, conduite par un roi nommé Acquin, aborda les côtes bretonnes et dévastèrent les environs. Charlemagne accourut en personne, et rejeta les envahisseurs à la mer. La panique fut telle que les Sarrasins abandonnèrent sur la plage tentes et matériel ; parmi tout cela il y avait un enfant, le propre fils d’Acquin. Charlemagne en fit son filleul et le baptisa. Il lui donna des précepteurs et en fit un chevalier auquel il octroya le château de Glay qui devint le fief de Sire Glay-Acquin. Nous ne sommes pas loin de Du Guesclin.

Bertrand du Guesclin à la bataille de Cocherel (1364)

Bertrand du Guesclin à la bataille de Cocherel (1364)

Le connétable au service de son roi

En 1357, Du Guesclin est au service du roi Charles V. Il participe à toutes les batailles qui opposent les troupes royales aux Anglais et Navarrais. Il obtient sa première victoire à Cocherel (près d’Evreux), en 1364, en battant l’armée de Charles le Mauvais. Puis, c’est la même année, la défaite d’Auray pour la succession de la Bretagne. Il sera fait prisonnier, le roi s’empresse alors de payer sa rançon. Bertrand du Guesclin engage ensuite une lutte contre le fléau de l’époque : « les Grandes Compagnies » : des mercenaires sans emploi qui s’étaient rassemblés en Côte d’Or. Ces fameuses compagnies se livraient à des exactions en tout genre. Il fallut trouver une solution pour se débarrasser de ces pillards. Du Guesclin, qui était le seul homme à avoir suffisamment d’autorité pour les rassembler, les emmena avec lui pour combattre en Espagne. Le futur connétable avait en tête de mener la lutte contre Pierre le Cruel, allié des Anglais, qui disputait à son frère Henri de Trastamare le royaume de Castille. Du Guesclin réussit à conquérir la Castille mais il est capturé par le Prince Noir. Le roi paya de nouveau la rançon. Libéré, Du Guesclin parvient à vaincre son ennemi à la bataille de Montiel en 1369. Quant aux Grandes Compagnies, elles entrèrent peu à peu en décadence. De 1370 à 1380, en utilisant toujours une tactique, très personnelle, de harcèlement de l’adversaire en partant des places fortes prises et bien défendues, Du Guesclin va réussir à chasser les Anglais de presque la totalité du territoire français occupé (Aquitaine, Poitou, Normandie…). En 1380, il meurt au siège de Chateauneuf-de-Randon en Auvergne. Charles V le fit ensevelir, fait unique pour un homme qui n’est pas roi, dans la basilique royale de Saint-Denis, aux côtés des rois de France. Le roi, victime de maladie, ne tarda pas à le rejoindre.

Le titre de Dauphin

Au cours du règne de Jean le Bon, le Dauphiné est rattaché par donation à la couronne. Désormais l’héritier présomptif de la couronne recevra ce territoire et portera donc le titre de Dauphin. Le premier dauphin sera donc Charles V, par la suite, ce titre servira à désigner l’héritier du trône de France (généralement le fils aîné du roi).

(Bibliothèque Nationale de France)

(Bibliothèque Nationale de France)

De nouveaux troubles

Charles VI « le Bien Aimé » ou « le Fol »

Avant sa mort, Charles V avait supprimé les fouages (impôt perçu sur chaque foyer), privant ainsi la monarchie de ressources. A sa mort, son fils Charles VI n’a que douze ans. Ce sont ses oncles, les ducs d’Anjou, de Berry, de Bourgogne et de Bourbon qui gouvernent le royaume. Profitant de leur situation, ils dilapident les ressources du royaume et décident d’instaurer de nouveaux impôts pour leur profit personnel. En 1383, c’est la révolte des « Maillotins » : des parisiens armés de maillets descendent dans la rue pour manifester leur mécontentement. En 1388, Charles VI prend en main les affaires du royaume, il chasse ses oncles et rappelle les anciens conseillers de son père, que les princes appellent les « Marmousets » (parmi eux le connétable Olivier de Clisson). Pour ses sujets, Charles VI devient « le Bien Aimé ». En 1392, le destin de ce roi va littéralement changer. En traversant la forêt du Mans, lors d’une expédition contre le duc de Bretagne, le roi prend les membres de sa suite pour ses ennemis et les attaque en brandissant l’épée. Six chevaliers sont tués avant qu’on ait pu le maîtriser. La brutale folie du roi s’aggrave l’année suivante. Les sujets du royaume craignent un retour des oncles de Charles VI au pouvoir. Mais à travers ses crises de folie, le roi retrouve des accès de lucidité et gouverne avec sagesse. Personne n’ose alors placer le roi sous tutelle.

Folie de Charles VI

Armagnacs contre Bourguignons

Dès 1392, la reine Isabeau de Bavière préside un conseil de Régence mouvementé. Deux factions s’affrontent alors, aboutissant à une grave guerre civile :

  • Le parti d’Orléans (plus tard appelé Armagnacs) du frère de Charles VI : Louis d’Orléans (grand-père du futur Louis XII).
  • Le parti Bourguignon du puissant oncle de Charles VI : Philippe le Hardi. Duc de Bourgogne, Philippe a hérité de l’apanage confié par son père Jean le Bon, il obtient la Flandre grâce à son mariage. A la tête d’un immense royaume, ses descendants se détacheront peu à peu du royaume de France.

Pendant ce temps, la France esquisse un rapprochement avec l’Angleterre. Le roi d’Angleterre, Richard II épouse la fille de Charles VI. Les deux souverains se rencontrent sans parvenir à des conditions de paix. En 1399, Richard II est renversé par Henri de Lancastre, c’est la fin des tentatives de pacification entre les deux royaumes. La rivalité ne cesse de croître entre Louis d’Orléans, qui est à la tête de l’armée française, et le nouveau duc de Bourgogne, Jean Sans Peur. Ce dernier fait assassiner Louis d’Orléans en 1407, dans le quartier du Marais à Paris. Cet assassinat marque le début de la guerre civile. Le fils de la victime, Charles d’Orléans, demande l’appui à son beau-père Bernard VII, comte d’Armagnac (d’où l’appellation de la faction). Armagnacs et Bourguignons se disputent les places et ressources du royaume, n’hésitant pas à faire appel à l’Angleterre. Jean Sans Peur parvient bientôt à dominer Paris. Très populaire le duc bénéficie de l’appui de l’Université et d’une remuante corporation de bouchers, dirigé par Simon Caboche. Ces derniers obtiennent en 1413, une grande réforme administrative : l’ordonnance cabochienne. Mais les troubles persistants inquiètent la bourgeoisie parisienne, qui se rapproche des Armagnacs. Le comte Bernard VII se rend maître de Paris et se fait nommer connétable par la reine Isabeau de Bavière.

Les ducs de Bourgogne

La bataille d’Azincourt

Les querelles fratricides qui balayent la France n’ont pas échappé au nouveau roi d’Angleterre, Henri V de Lancastre. Ce dernier en profite pour relancer la guerre, il débarque avec ses troupes en Normandie. Henri V est le fils d’Henri IV, l’usurpateur qui a fait assassiner Richard II, l’héritier des Plantagenets. Il souhaite revoir les ambitions anglaises sur la couronne française, et à défaut, regagner une partie du continent perdue grâce aux campagnes de Bertrand du Guesclin. Sitôt débarqué en France, le souverain anglais va se réfugier à Calais. L’armée française s’organise autour des Armagnacs. Une fois encore, ils possèdent l’avantage numérique, mais malgré les défaites de Crécy et de Poitiers, la chevalerie française n’a rien perdu de son arrogance. En dépit des conseils du duc de Berry, les Français décident d’attaquer les Anglais dans un passage étroit, où il est impossible de se déployer. Déjà fatigués par la longue nuit d’attente sous la pluie, les chevaliers chargent avec le soleil dans les yeux. Avec leurs lourdes cuirasses, ils peinent à se déplacer et sont accueillis par une volée de flèches anglaises. Des piétons anglais viennent bientôt aux pieds des chevaliers en les frappant avec masses et épées. Les prisonniers sont égorgés. Azincourt est l’une des plus meurtrières batailles du Moyen Âge avec 10 000 pertes côté français. Une fois de plus, de nombreux barons français sont tués, Charles d’Orléans, neveu du roi et père du futur Louis XII est capturé et demeurera 25 ans en Angleterre. La chevalerie française qui demeurait l’élite du royaume pendant deux siècles entre en déclin. Ses vertus ancestrales comme le courage, la foi et le sacrifice sont balayés par la stratégie militaire. Une fois de plus une poignée d’infanterie a défait une horde de chevaliers.

Bataille d'Azincourt

(manuscrit de Martial d'Auvergne, Xvè siècle, BNF)

(manuscrit de Martial d'Auvergne, Xvè siècle, BNF)

La guerre civile

L’inaction du clan des Armagnacs, toujours au pouvoir, incite Henri V à élargir ses projets. Il débarque en Normandie et organise une conquête méthodique. En 1417, Jean Sans Peur et Isabeau de Bavière installent à Troyes, un gouvernement rival de celui du dauphin. A Paris, les Armagnacs ne s’imposent que par la terreur. En 1418, une violente émeute les chasse de la ville. Le comte Bernard VII et les siens sont froidement massacrés. La nuit du 20 août, les pillages et les massacres se poursuivent. On compte plus de dix mille morts. Le prévôt de Paris rentre dans la chambre du dauphin (le futur Charles VII), organisant sa fuite à cheval. Âgé de 15 ans, le dauphin part se réfugier à Bourges dans le duché de Berry qu’il a hérité de son grand-oncle. C’est un triomphe pour Jean Sans Peur et ses alliés anglais. Le duc de Bourgogne manœuvre à sa guise le roi Charles VI et sa reine Isabeau de Bavière. Ayant fait alliance avec les Anglais pour son intérêt personnel, Jean Sans Peur en vient cependant à s’interroger au vu de l’invasion anglaise sur le territoire national. Il souhaite faire une ultime tentative de réconciliation avec le dauphin. Les deux partis semblent disposés à mettre fin à leur rivalité qui ne sert que les intérêts anglais. Une entrevue a lieu sur le pont de Montereau en 1419, Jean Sans Peur s’y rend sans protection. C’est alors qu’un conseiller du dauphin, Tanguy du Châtel lui porte un coup de hache au visage, Jean Sans Peur est roué de coups puis assassiné. Naturellement, le meurtre horrifie le pays et ranime la querelle entre Armagnacs et Bourguignons. Charles VI se laisse convaincre par les Anglais de déshériter son fils et signe l’ignominieux traité de Troyes (1420). La fille de Charles VI est promise au roi d’Angleterre qui devient le successeur au trône de France. Il fait une entrée triomphale à Paris aux cotés de Charles VI. Il semble bientôt qu’un roi anglais régnera sur le royaume de France !

L'assassinat de Jean Sans Peur

La réconciliation entre Armagnacs et Bourguignons aurait dû constituer le relèvement français. Mais il n’en est rien, l’assassinat de Jean Sans Peur plonge le pays dans ses heures les plus noires.

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Sources et liens

Lectures conseillées