Le règne d’Henri IV
Introduction
À la fin du XVIᵉ siècle, la France est un royaume exsangue. Depuis 1562, les guerres de Religion ont plongé le pays dans le chaos : massacres, sièges, assassinats politiques rythment la vie nationale. La dynastie des Valois, incapable de restaurer l’unité, s’éteint en 1589 avec la mort tragique d’Henri III. Le trône revient de droit à Henri de Bourbon, roi de Navarre… mais ce prince est protestant. Son avènement promet autant d’espoir que de conflits : il devra conquérir son royaume avant de le pacifier.

Contexte et avènement d’Henri IV
Le chef huguenot
Avant de porter la couronne, Henri IV est un acteur central des guerres de Religion. À la mort de Condé, il devient chef du parti huguenot et s’impose comme un stratège redoutable. Ses terres en Guyenne deviennent un bastion protestant, d’où il organise la résistance contre les forces catholiques. Mais Henri n’est pas un idéologue : il combat pour la survie de son camp, certes, mais aussi pour préserver ses droits dynastiques. Cette période révèle un homme de guerre, diplomate autant que soldat, capable de négocier et de patienter — des qualités qui lui seront indispensables pour conquérir le trône.

Mère d’Henri IV, Jeanne d’Albret est une femme de caractère, chef politique et religieuse du protestantisme français. Sa rigueur morale et son engagement pour la Réforme marquent profondément son fils.
Vers la couronne
En août 1589, Henri III est assassiné par un moine fanatique. Henri de Navarre devient roi de France par la loi, mais son avènement est contesté. La Ligue catholique, soutenue par l’Espagne, refuse de reconnaître un souverain protestant et contrôle Paris. Henri IV hérite d’un royaume en lambeaux : sans capitale, sans trésor, et en guerre civile. Son accession au trône marque le début d’un long combat pour imposer son autorité, rétablir la paix religieuse et reconstruire l’État. Ce roi atypique, à la fois guerrier et conciliateur, va devoir conquérir son royaume avant de le pacifier. Ce sera une décennie de luttes, de négociations et de compromis.
Conquête et pacification (1589–1598)
La conquête du royaume (1589–1594)
Henri IV commence son règne en chef de guerre et doit affronter la Ligue catholique, soutenue par l’Espagne et solidement implantée dans la capitale. Ses premières victoires, comme celle d’Arques (1589) et surtout d’Ivry (1590), lui permettent d’affirmer sa légitimité. À Ivry, en infériorité numérique, il galvanise ses troupes par une phrase devenue célèbre : « Ralliez-vous à mon panache blanc ! ». Mais ces succès militaires ne suffisent pas : Paris reste fidèle à la Ligue, et l’Espagne multiplie les interventions. Henri IV comprend qu’il ne pourra pas imposer la paix par la seule force. Il lui faut un geste politique fort.

À Ivry, Henri IV arbore un panache blanc sur son casque pour être visible de ses soldats. Ce symbole de bravoure deviendra légendaire et incarnera l’image du roi courageux.
Conversion et entrée à Paris (1593–1594)
En 1593, Henri IV prend une décision qui change l’histoire : il abjure le protestantisme et se convertit au catholicisme. Selon la tradition, il aurait prononcé la célèbre phrase : « Paris vaut bien une messe ». Ce geste pragmatique lui ouvre les portes de la capitale. En 1594, il entre triomphalement à Paris, mettant fin à la domination de la Ligue. Cette conversion n’est pas un reniement, mais un acte politique : Henri IV choisit la paix plutôt que la guerre religieuse, et prépare ainsi la réconciliation nationale.
Cette phrase, attribuée à Henri IV, illustre son pragmatisme. Elle n’est pas attestée dans les sources contemporaines, mais elle résume parfaitement son choix stratégique.
L’Édit de Nantes (1598)
Après des années de combats, Henri IV scelle la paix religieuse par un texte fondateur : l’Édit de Nantes, promulgué en 1598. Il reconnaît aux protestants la liberté de culte dans certaines zones, tout en affirmant la primauté du catholicisme. Cet édit ne crée pas une égalité parfaite, mais il met fin aux massacres et instaure une coexistence pacifique. Henri IV devient ainsi le roi de la tolérance, celui qui préfère la concorde à la guerre.
Paix de Vervins et politique extérieure (1598)
La même année, Henri IV signe la paix de Vervins avec l’Espagne. Ce traité met fin à l’ingérence espagnole et confirme la souveraineté française. Les négociations de Vervins se déroulent dans une atmosphère tendue, mais Henri IV impose une solution pragmatique : la France retrouve ses frontières d’avant-guerre, sans humiliation. Après une décennie de guerres et de négociations, Henri IV peut enfin tourner la page des guerres de Religion et se consacrer à la reconstruction du royaume. Le royaume sort exsangue des conflits religieux : les campagnes sont ruinées, les finances publiques au bord de la faillite, les routes impraticables. Henri IV et son fidèle ministre Sully vont engager une politique ambitieuse pour restaurer la prospérité et l’autorité royale.
Reconstruction du royaume (1598–1610)
Réformes économiques et financières
Henri IV sait que la paix ne suffit pas : il faut nourrir le peuple et remplir les caisses. Avec Sully, il met en place une politique de rigueur et de développement. Les impôts sont réorganisés, les abus des fermiers généraux limités, et les dépenses de la cour réduites. Sully encourage l’agriculture avec son célèbre mot d’ordre : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». Les routes et ponts sont restaurés, les canaux développés, favorisant le commerce intérieur. Cette politique pragmatique redonne souffle à l’économie et prépare la modernisation du royaume.

Maximilien de Béthune, duc de Sully, est le bras droit d’Henri IV. Protestant fidèle, il incarne la rigueur et l’efficacité. Son influence sera décisive dans la stabilisation financière et la relance économique.
Urbanisme, arts et image royale
Henri IV ne se contente pas de réformer : il veut marquer Paris de son empreinte. Sous son règne, la capitale se transforme. Il lance la construction de la Place Royale (future Place des Vosges), symbole d’ordre et d’harmonie, et du Pont Neuf, premier pont parisien sans maisons, conçu pour faciliter la circulation. Ces projets ne sont pas seulement utilitaires : ils participent à la mise en scène du pouvoir royal. Henri IV se présente comme un roi bâtisseur, soucieux du bien-être de ses sujets et de la grandeur de la France.

Le Pont Neuf devient rapidement un lieu de vie et de rencontre : on y croise marchands, promeneurs, artistes… Ce qui le distingue des autres ponts parisiens de l’époque, c’est l’absence de maisons construites dessus. Jusqu’alors, les ponts comme le Pont Saint-Michel ou le Pont au Change étaient surmontés de rangées serrées d’habitations et d’échoppes, ce qui provoquait souvent des encombrements, des risques d’effondrement, voire des incendies. En supprimant ces maisons, le Pont Neuf offre un espace dégagé, agréable à traverser, incarnant la renaissance d’un Paris pacifié et ouvert.
Cour, dynastie et bilan
Vie familiale et dynastie
Henri IV n’est pas seulement un roi réformateur et pacificateur : il est aussi un homme de cour, un père de dynastie. La vie matrimoniale d’Henri IV est marquée par deux unions aux destins bien différents. En 1572, alors qu’il n’est encore que Henri de Navarre, il épouse Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX. Ce mariage, célébré lors des noces maudites (Noces Vermeilles) qui précèdent le massacre de la Saint-Barthélemy, est avant tout une alliance politique destinée à réconcilier catholiques et protestants. Mais l’union est un échec : sans descendance, marquée par l’incompatibilité et la distance, elle sera finalement annulée en 1599.
Libre de se remarier, Henri IV se consacre à assurer la continuité dynastique. En 1600, il épouse Marie de Médicis, nièce du grand-duc de Toscane. Cette alliance stratégique avec Florence renforce ses liens avec l’Italie et la papauté, tout en apportant une dot considérable qui renfloue les caisses du royaume. De cette union naît le futur Louis XIII en 1601, garant de la stabilité monarchique, ainsi que cinq autres enfants.
Henri IV, réputé pour son tempérament chaleureux, entretient une cour vivante, mais aussi des relations tumultueuses avec ses favorites. Cette vie privée, parfois scandaleuse, contraste avec son image publique de roi pragmatique et proche du peuple.
La famille Médicis, originaire de Florence, est l’une des plus puissantes d’Europe à la Renaissance. Banquiers, mécènes et princes, ils ont façonné la culture italienne et influencé la politique européenne. Marie de Médicis, nièce du grand-duc de Toscane, apporte à la cour de France le prestige et les ressources de cette illustre maison. Son mariage avec Henri IV scelle une alliance entre la monarchie française et l’Italie, renforçant la légitimité du roi après sa conversion.

Henri IV est surnommé le « Vert Galant » pour ses nombreuses aventures amoureuses, même à un âge avancé. Ce trait de caractère contribue à sa légende populaire. Parmi ses nombreuses favorites, Gabrielle d’Estrées occupe une place à part : grande passion du roi, elle exerce sur lui une profonde influence politique et affective. Promise un temps au titre de reine, elle meurt brutalement en 1599, laissant Henri IV inconsolable.
Crises et fin du règne
Malgré ses succès, Henri IV n’échappe pas aux tensions. Son projet d’intervention en Europe pour limiter la puissance des Habsbourg inquiète certains. Le 14 mai 1610, alors qu’il prépare une campagne militaire, Henri IV est assassiné à Paris par François Ravaillac, un fanatique catholique. Ce meurtre plonge la France dans la stupeur et ouvre une période d’incertitude sous la régence de Marie de Médicis.

L’assassinat d’Henri IV est l’un des plus célèbres de l’histoire française. François Ravaillac, convaincu d’agir pour la foi, frappe le roi dans sa voiture rue de la Ferronnerie à Paris. Ce drame marque la fragilité du pouvoir royal face aux passions religieuses.
Bilan et héritage
Henri IV laisse derrière lui un royaume pacifié, des finances assainies et une monarchie renforcée. Son règne incarne la transition entre les troubles du XVIᵉ siècle et la stabilité du Grand Siècle. L’Édit de Nantes, ses réformes économiques et ses grands travaux font de lui un roi moderne, pragmatique et proche de ses sujets. Sa mémoire reste vivante : Henri IV demeure dans l’imaginaire collectif comme le roi de la paix, le Vert Galant, et celui qui aurait voulu « mettre une poule au pot chaque dimanche » pour ses paysans.
Cette phrase, attribuée à Henri IV, illustre son souci du bien-être populaire. Elle symbolise un idéal de prospérité et de simplicité qui a contribué à sa popularité durable.